Menu Fermer

Communiqué de presse

La première étude des systèmes techno-économiques du premier Acheuléen nord-africain de la carrière Thomas I (Casablanca, Maroc).

 

L’Acheuléen, culture matérielle du Paléolithique ancien, fait sa première apparition en Afrique de l’Est à 1,8 million d’années et en Afrique du Sud entre 1,6 et 1,0 million d’années. Le début de l’Acheuléen, marqué par l’apparition de macro-outils, est considéré comme une avancée technologique majeure au cours de l’évolution humaine. L’Afrique du Nord, pourtant riche en sites acheuléens, recèle très peu de localités documentant l’Acheuléen ancien dans un cadre chronostratigraphique fiable.

 

Dans la Carrière Thomas I à Casablanca (Maroc), l’Unité L (ThI-L) est à l’heure actuelle le plus ancien site acheuléen d’Afrique du Nord, récemment daté sans ambiguïté de 1,3 millions d’années,  et témoigne de l’occupation humaine la plus ancienne au Maroc.

 

L’étude publiée le 2 janvier 2023 dans la revue Journal of Anthropological Sciences (JASs) parune équipe maroco-franco-italienne offre aujourd’hui la première analyse techno-économique complète des systèmes de production des artefacts en pierre de l’Acheuléen ancien du site de la carrière Thomas I – Unité L1 à Casablanca (Maroc).

 

Cette étude pionnière, présentée en 60 pages plus 24 pages d’informations supplémentaires, permet d’évaluer la première expression technique de l’Acheuléen en Afrique du Nord. Elle documente ainsi la forte diversification des productions techniques relatives à la taille de la pierre. Les projets techniques mis en évidence témoignent de la complexité des modèles mentaux/schémas conceptuels impliqués dans la fabrication des objets ainsi que de la structure flexible des schémas opérationnels.

 

Ce site, fouillé durant plus de 30 ans, a livré des restes de faune et un assemblage lithique composé de 3845 artefacts taillés par les hommes préhistoriques. Il s’agit de l’une des séries archéologiques les plus riches en Afrique pour l’Acheuléen ancien. La production des objets exploite différents types de quartzites et dans une moindre mesure de silicites. Les deux groupes de roches sont abondamment disponibles à proximité du site, sur les plages anciennes et en affleurements.

L’analyse des systèmes techno-économiques des outils en quartzite montre la coexistence de deux types de productions, l’une axée sur l’extraction d’éclats de petits et moyens modules, l’autre tournée vers la fabrication de macro-outils (Large Cutting Tools) à partir de galets collectés à proximité immédiate du site. Les macro-outils étaient généralement produits à partir de gros galets, moins souvent à partir de gros éclats. L’intention technique principale était d’obtenir de grands outils pointus (bifaces variés, pics, trièdres,..) et, plus rarement, à tranchant transversal (hachereaux) avec des caractéristiques morphométriques et techniques remarquablement similaires. Cette standardisation commence par la sélection stricte des galets-supports ou par des procédures répétitives dans le débitage pour anticiper certains caractères des éclats-supports et se poursuit dans le façonnage à travers des règles fixes qui s’appliquent systématiquement à chaque type d’outil. Les phases de sélection/débitage des supports et de façonnage ont été judicieusement intégrées dans des projets techniques spécifiques. Les éclats de quartzite de petite à moyenne taille ont été produits par une diversité de méthodes d’exploitation adaptées aux morphologies de galets d’origine. 

Les résultats de l’étude montrent l’existence d’une forte synergie entre les schémas conceptuels et opérationnels régulés par la capacité de ces hominines, il y a 1,3 millions d’années, d’anticiper la morphologie finale de l’outil et d’appliquer des procédures de mise en forme standardisées pour fabriquer des morphotypes récurrents. Ces premiers tailleurs de roches dures étaient capables d’adopter des solutions techniques, des méthodes structurées et surtout de concevoir des procédés techniques innovants. Ces aptitudes techniques renseignent sur des aspects cognitifs significatifs pour la connaissance des étapes évolutives des premiers peuplements africains et illustrent leurs différents niveaux de connaissances et de savoir-faire.

Ces travaux de recherche sont réalisés dans le cadre du programme maroco-français “Préhistoire de Casablanca” développé conjointement par l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (Maroc), le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères  et le Laboratoire d’Excellence Archimède– Programme Investir l’Avenir ANR-11-LABX-0032-01 (France).  

L’étude publiée a été réalisée par une équipe intégrant des chercheures et chercheurs rattachés à plusieurs laboratoires et institutions :

  • Au Maroc : l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (Ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication/Département de la Culture)
  • En France : le laboratoire Archéologie des sociétés méditerranéennes, leLaboratoire d’Excellence Archimède (Univ. Paul Valéry Montpellier 3/CNRS), le laboratoire de la Préhistoire à l’Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA –Univ. Bordeaux/CNRS/MC) et la société Paléotime ;
  • En Italie : le Dipartimento di Scienze della Terra “Ardito Desio” de l’Università degli Studi di Milano.

 

Références de l’article scientifique :

Early North African Acheulean techno-economic systems at Thomas Quarry I – L1 (Casablanca, Morocco)

Rosalia Gallotti, Jean-Paul Raynal, Abderrahim Mohib, Paul Fernandes, Lionel Magoga, Mohssine El Graoui, Mathieu Rué, Giovanni Muttoni & David Lefèvre

Journal of Anthropological Sciences (JASs), Istituto Italiano di Antropologia, founded in 1893 by Giuseppe Sergi, Research articles Vol. 101 (2023). doi. 10.4436/jass10015

Lien : https://we.tl/t-LUWV96eeKs       https://www.jass-anthropology.com/contents

 

 

 

Contacts scientifiques

 

Rosalia GALLOTTI

LabEx ARCHIMEDE  et UMR 510 Archéologie des sociétés méditerranéennes

Université Paul Valéry Montpellier 3

Campus Saint Charles, F 34199 Montpellier

[email protected]

[email protected]

 

Abderrahim MOHIB

Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine

Angle rues 5 et 7, avenue Allal al-Fassi, Madinat al Irfan, BP 6828

Rabat-Instituts.

[email protected]

[email protected]

                               

 

David LEFÈVRE

LabEx ARCHIMEDE  et UMR 510 Archéologie des sociétés méditerranéennes

Université Paul Valéry Montpellier 3

Campus Saint Charles, F 34199 Montpellier

[email protected]

[email protected],

 

 

Légendes des figures :

Figure 1. (A) Localisation de carrière Thomas I sur la carte du Nord de l’Afrique (modifée d’après NASA/JPL/NIMA, domaine public, in.  Wikimedia Commons). Carte de Casablanca (modifée d’après NASA/SRTM, 1 arc second global elevation data, created using the free and open-source software QGIS v3.18.2 (http:// www. qgis. org)). (B) Membres OH1 à OH4 de la formation Oulad Hamida à la carrière Thomas I. (C) Carrière Thomas I, Zone 1: OH1 Bed 2-Unité L : dépôts de L1 à L5. © programme maroco-français Préhistoire de Casablanca.

Figure 2. (A) Plan de répartition de tous les restes coordonnés à Thomas I – L1. (B) et (C) vues de fouilles à Thomas I – L1 en 2007. (D, E) Détail de la fouille de la zone 2 à Thomas I-L1 en 2008. © programme maroco-français Préhistoire de Casablanca.

Figure 3. Bifaces pointus sur galet plano-convexe (1), bi-convexe (2, 3), and anguleux (4).

© programme maroco-français Préhistoire de Casablanca.

 

Figure 4. Hachereaux sur éclats d’entame (1, 3) et éclats corticaux (2, 4). © programme maroco-français Préhistoire de Casablanca.